Il est difficile d’être objectif dans la vie en général, et par extension, dans le thé. Notre monde intérieur influence la totalité de la réalité. Malgré cela, nous avançons sur le chemin, souvent en toute sincérité. En navigant, et en participant à la grande “toile” internet, ce constat m’a sauté aux yeux à nouveau: notre subjectivité est à l’oeuvre. Cela m’a conduit à mener une réflexion que je vous livre, bien qu’elle soit tout à fait personnelle.
D’un point de vue purement technique, le thé représente un domaine vaste et complexe, et nous aimerions en savoir un maximum, et c’est tant mieux. Nous accumulons ainsi beaucoup d’informations ( plus ou moins justes) dans notre mental. Nous sommes d’ailleurs souvent inconsciemment attirés par tout ce qui peut renforcer nos opinions. Créer et tenir un blog/un site, permet d’exprimer son expérience, ses avis et ressentis, en vue de les partager. Et, tranquillement installés derrière notre ordinateur, nous livrons une partie de nous-même, en toute sincérité. Nous n’avons pas toujours conscience que notre subjectivité, autrement dit, nos mécanismes, nos schémas intérieurs sont en action de manière complètement involontaire.
Mais le thé nous montre aussi la dimension de l’esprit, au delà de la dualité, là où l’objectif et le subjectif n’existent pas. Cet aspect ne peut s’appréhender avec l’intellect, et représente pourtant l’essentiel. Nos connaissances (techniques, botaniques, historiques, philosophiques, etc), nos points de vue, nos pensées, nos goûts (j’aime, j’aime pas), nos références gustatives, aussi utiles soient-elles… ne peuvent nous faire percevoir la simplicité du thé. Simplicité qui entre en contact avec notre nature originelle lorsque, ne serait-ce qu’un court instant, nous expérimentons la pleine conscience, l’unité.
On peut alors réaliser que nul ne détient la vérité du thé, mais que chacun en incarne quelques fragments. Le respect des avis, des émotions, et des informations fournis par les autres, même erronés, nous permettent de nous enrichir ou de nous positionner. Souvent, je me suis rendue compte que les éléments avec lesquels j’entrais en résonance, étaient effectivement ceux qui renforçaient mes convictions déjà établies. Il faut de la détermination et de la persévérance pour regarder à l’intérieur de soi, pour se remettre en question et mettre en lumière les mécanismes de notre mental. C’est une vigilance qu’il faudrait activer le plus souvent possible. Si je souhaite faire un petit pas vers la sagesse, je dois garder à l’esprit que ma subjectivité n’est jamais loin.
Le thé nous offre la vision du changement perpétuel et nous permet d’avancer sur la Voie. Il y a toujours quelque chose à apprendre ou à découvrir. C’est pourquoi le thé ne peut être catalogué, ni réduit à des comparaisons, ni même figé dans les connaissances intellectuelles, auxquelles nous croyons peut-être, mais qui ne reflètent pas toujours la réalité.
L’immensité du web m’invite chaque jour à une plus grande tolérance car je réalise l’importance des nombreuses voix qui s’expriment, même celles qui sonnent faux. Voilà surement le chemin qui mène à la compassion. Et cela n’a rien d’une “prise de tête”. Au contraire, il s’agit de faire le vide pour se rapprocher de l’esprit du thé, et se rappeler que notre humble avis reste souvent purement subjectif.
7 commentaires sur “Subjectif”
David
Ma foi, c'est très intéressant et fort bien écrit.
Pour sûr, on a tous des convictions, des avis, on ne peut pas ne pas en avoir. On peut s'efforcer de tout respecter, mais c'est parfois plus facile à dire qu'à faire, il faut être honnête. Et il parait normal qu'on se rapproche des voies qui nous parlent le plus. N'empêche que les expériences des autres seront toujours intéressantes.
Je constate également, pour écrire un blog, que l'effort de rédaction incite beaucoup à la réflexion et à la recherche d'objectivité (même illusoire). Combien de fois ai-je commencé un article avec une certitude, dans l'optique de parler d'une chose, pour me rendre compte lors de l'argumentation que cela ne tenait pas debout ?
Pour sûr, il faut savoir rester humble et respectueux, fuir le confort des certitudes et de l'auto-satisfaction. Plus facile à dire qu'à faire encore une fois… Mais le thé sera toujours là pour nous donner une bonne leçon au final.
Au plaisir de te lire.
Unknown
Bien d'accord avec david, c'est bien écrit.
Je comprends bien ce que veut dire Charlotte. Dans notre monde où notre mental est sans cesse sollicité par toutes sortes de pollutions, il n'est pas étonnant que celui-ci ne reste empêtré avec tant de suggestions. Se dépouiller des sentiments, des désirs et des passions, faire le vide dans sa tête, pratiquer le "non-agir" selon Lao Tseu voilà bien ce qui nous permettrait de découvrir la simple beauté du thé qui est une avec la beauté pure de la nature.
Alors préparer et boire du thé dans la pleine conscience nous aidera sur ce chemin.
Bon thés à tous
Charlotte Billabongk
Je dois avouer que j'ai beaucoup hésité à publier ce post puisqu'il représente une réflexion menée sur une remise en question personnelle. Et c'est vrai que de s'astreindre à cet exercice d'écriture permet de réaliser bien des choses. En écrivant, j'ai pensé qu'il fallait que je partage cet article parce qu'il est certes difficile d'incarner les vertus dont il est question (et que Tanta Meno nous rappelle bien), mais le Thé est justement le guide que nous sommes nombreux à avoir choisi.
Merci pour vos commentaires et à bientôt.
Lihua pour les Arts et la Culture Chinoise
Très bel article, il aurait été dommage de ne pas le publier. Le monde du thé est vaste et chacun peut y avoir sa place. Le thé est le résultat d'une rencontre. Chacun vient avec ce qu'il est. Celui qui vend souhaite que celui qui achète soit heureux et que les feuilles donnent le meilleur. Offrir un bon vin à un ami et le voir ajouter du coca est une déception. Pourtant on trouve aussi du vin pétillant avec des arômes de pêche et on appelle cela aussi du vin. Sur la vaste toile, on trouve des marchands, ceux qui aiment leurs produits et ceux qui font du marketing. On trouve également des amateurs de thé passionnés qui se laissent parfois emporter par leur passion et aussi d'autres qui cherchent à explorer leurs sensations et à utiliser leur raison pour enrichir leur expérience. Je pense qu'il y a trois temps, d'abord la phase prétendument objective de découverte et d'accroissement des connaissances. Puis vient une seconde phase avec des choix, des certitudes, des processus complexes (balance, chronomètre, thermomètre…) et la dangereuse certitude d'avoir la seule vérité. Enfin vient la dernière phase, celle de la subjectivité assumée, le blogger est conscient de ses goûts, il n'a plus de certitudes, il évite les avis définitifs, sa pratique est simple et naturelle (simple mais pas simpliste, après quelques temps, conduire un voiture est simple). Il partage simplement ses découvertes et son plaisir de boire du thé, ici et maintenant.
Charlotte Billabongk
Lihua, merci pour ce commentaire. Le sujet en question est passionnant. Il y a de quoi philosopher…
A plus tard.
Unknown
Merci beaucoup Charlotte pour ce texte & pour la profondeur qui s'en dégage. Il est très rafraichissant de rencontrer pareilles pensées au milieu d'une recherche sur le monde du thé.
Lire ce post aide à réaliser que le thé, comme tout phénomène, peut être utile & bénéfique dans notre cheminement intérieur; bien sur, nos subjectivités viennent parfois obscurcir l'esprit. Mais tu sembles avoir véritablement trouvé la parade : l'ouverture d'esprit & la compassion…
Amicalement.
Charlotte Billabongk
Merci pour ton commentaire. Cela me fait très plaisir.